Au moins un jour dans l'année, tous les musiciens devraient poser
leurs instruments et remercier Duke Ellington.
C'est avec On the Corner et Big Fun que j'ai
vraiment essayé d'intéresser les jeunes Noirs à ma musique. Ce sont eux qui
achètent les disques et viennent aux concerts, et je songeais à me préparer un
public pour l'avenir. Beaucoup de jeunes Blancs étaient déjà venus dans mes
concerts après Bitches Brew. Je
pensais qu'il serait bien de rassembler tous ces jeunes dans l'écoute de ma
musique et de l'appréciation du groove.
Ce que nous avons fait sur Bitches Brew, on ne pourrait pas le
coucher sur le papier et le faire jouer par un orchestre... C'était une séance
d'improvisation et c'est ce qui fait que le jazz est fabuleux (Miles l'autobiographie de Miles Davis
& Quincy Troupe, 1989).
Ce
son là, ce coté Blues, église, petite route, cette sonorité, ce rythme rural,
du Sud, du Midwest. C'est à la tombée de la nuit, sur les effrayantes petites
routes secondaires de l'Arkansas, lorsque les chouettes sortent en hululant,
que ce son se mêla à mon sang.
Dès
qu'on souffle dans un instrument, on sait qu'on ne pourra rien en sortir que
Louis (Armstrong) n'ait déjà fait.
Il ne faut pas avoir peur des fausses
notes en jazz… ça n’existe pas !
Je vais d'abord jouer et je vous dirai ce qu'il en est plus tard.
Jimi
Hendrix peut prendre deux musiciens blancs et les faire jouer à vous faire
tomber sur le cul.
La chose à savoir sur n'importe quel artiste de jazz est :
l'homme projette-t-il et a-t-il des idées ?
La musique, ce n'est pas la
compétition, c'est la coopération, il s'agit de faire des choses ensemble et de
bien s'insérer (Miles
l'autobiographie de Miles Davis & Quincy Troupe, 1989).
La véritable
musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer ce silence.
Le
blues est une attitude, un état d'esprit, ce que les critiques appellent le
jazz, c'est cette attitude; et le blues consiste à mettre une âme, c'est à dire
vous même, dans chaque phrase. Si vous compreniez tout ce que je veux dire,
vous seriez moi !
Le Blues n’est qu’un son, vous
savez, ce n’est ni un nom, ni un mot, ce n’est pas une étiquette, c’est juste
un son : le son bluesy. Ma musique sonne bluesy, de plus en plus bluesy, oui,
on peut dire ça, mais elle a toujours sonné ainsi. C’est le son noir de ma
musique. Ce qu’il faut dire, c’est que le son du blues se répand aujourd’hui,
il tend à devenir universel. C’est le son de l’époque (Jmag Hors Série n°408, 1984).
Le jazz est le grand frère de la révolution. La révolution le
suit.
On a écrit que l'idée de Bitches Brew venait de Clive Davis ou de
Teo Macero. C'est un mensonge. Ils n'avaient rien à y voir. Encore une fois,
des Blancs essayaient de mettre au crédit d'autres Blancs ce qu'ils ne
méritaient pas, ce disque ayant marqué une percée conceptuelle très novatrice.
Ils cherchaient comme toujours à réécrire l'histoire (Miles Davis, Miles l'autobiographie de Miles Davis
& Quincy Troupe, 1989).
Pourquoi
jouer tant de notes alors qu'il suffit de jouer les plus belles ?
Qu'avez-vous fait de si important dans votre vie ? J'ai changé la musique cinq ou six fois.
Si vous ne savez pas quoi jouer, ne jouez rien.
Une légende est un vieillard avec une canne, connu pour ce qu'il
faisait autrefois. Je le fais encore.
À John Coltrane
qui lui confiait avant un concert avoir du mal à conclure ses chorus, Miles
répondait sèchement: « Essaie donc de retirer le saxo de ta bouche. »
Miles Davis
avait l'habitude de jouer les yeux fermés et en tournant le dos au public.
C'était selon lui pour mieux se concentrer en faisant abstraction de son
environnement mais de nombreux spectateurs lui faisaient le reproche de ce
qu'ils considéraient comme de l'impolitesse. Il répondait qu'un chef
d'orchestre ne tourne jamais le dos à ses musiciens.
Pannonica de
Koenigswarter demanda à trois cents musiciens de jazz quels étaient leurs trois
vœux. Miles Davis n'en formula qu'un, glaçant, et qui disait tout de la
condition des noirs : « Être blanc ».
Un photographe
français est invité à prendre une série de clichés de Miles Davis à New York. Conscient
du privilège qui lui est accordé, il saute dans le premier avion. Arrivé
quelques heures plus tard, il attend pendant trois heures dans le hall de
l'hôtel puis est finalement invité à monter rejoindre le jazzman pour la
séance. Miles lui dit : « Tu as 36 clichés et pas un de plus ». La séance
commence puis à la 4e ou 5e photo, il demande à Miles de se mettre de profil
avec sa trompette à l'horizontale. Miles Davis lui répond : « Sors d'ici, je ne
joue pas la trompette à l'horizontale, je ne joue pas sur les champs de
courses. ». Le photographe repartait pour Paris dans l'heure.
Un soir, il
s'est fait tabasser par un policier qui ne voulait pas voir traîner de Noirs
devant la salle de concert ; il était programmé en tête d'affiche ce soir-là et
le policier ne l'a pas cru.
Cet album m’a littéralement explosé la tête. D’où venaient ces sons ? Comment Miles arrivait-il à susciter un intérêt passionné sur des morceaux aussi longs ? Ça reste un mystère à ce jour. (Dee Dee Bridgewater à propos de l'album Bitches Brew de Miles Davis sorti en 1969, Télérama, 2015)
Miles, lui,
n’était pas « cool » de cette manière. Il est originaire de ce coin de Saint
Louis qui a vu naître le blues. C’est seulement un aspect de son jeu qui est
cool. Et c’est justement cet élément que les autres ont annexé, sans prendre le
reste, le côté « blues », ou bien en passant à côté (Dizzie Gillespie, To Be or Not to Bop, 2009).
Quand j'entends Miles jouer, je
vois des choses. J'entends chanter les oiseaux. Je vois et j'entends des
rivières, des trains de nuit au moment où ils traversent un paysage du Midwest
solitaire et nocturne (Quincy Troupe dans Miles
and Me, 2000).
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